Prolongement et note d’intention

Jean Anouilh, Paul Claudel, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux et Villiers de l’Isle-Adam

 

Que peut-il y avoir de commun entre Les Fausses Confidences de Marivaux, La Révolte de Villiers de l’Isle-Adam, Le Pain dur de Claudel, La Répétition ou l’amour puni d’Anouilh et un texte contemporain relatant la crise des subprimes en 2008 ? La dialectique entre l’argent et les sentiments, entre la liberté et la manipulation.
Nous avons souhaité avec Ludovic Michel initier ce polyptyque pour explorer comment l’argent passe de la sphère très privée à celle publique, entre le XVIIème et XXIème siècle, en contaminant toutes les relations interpersonnelles, les détruisant diversement.
Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, on s’aperçoit comment la déshumanisation est en marche. Certes, l’être humain fut très rarement bienveillant pour son semblable mais au moins le vernis de la politesse masquait les horreurs – ce qu’on appelle assez ironiquement la civilité pour les uns, un code d’honneur pour les autres. Soyons conscients que le passé n’a jamais été un moment édénique ! L’âge d’or – sans jeu de mots – n’a jamais existé.
Chez Marivaux la balance entre l’intérêt et l’amour est encore équilibrée. La manipulation peut conduire à une forme de « liberté » dans un cadre codifié, dans des rapports de classe définis. L’argent offre une libération à ceux qui dominent.
Ensuite l’âpreté envahit tout, d’abord insidieusement dans « la famille » chez Claudel, au fil d’un polar métaphysique et implacable, Le Pain dur. Dans une période de l’histoire de France où les affaires allaient bon train et se traitaient sans vergogne, où Guizot avait proclamé son légendaire « Enrichissez-vous ! », chacun joue pour soi. L’individu veut résister, cherche à s’émanciper coûte que coûte et conquérir sa place dans la société nouvelle de Louis-Philippe. L’argent rend meurtrier.
Chez Villiers de l’IsleAdam, les dégâts du capitalisme ruinent les espérances d’une jeune femme. Même s’il appartient à une classe dominante, l’individu reste soumis – presque de bon cœur – à la sphère économique et à ses codes. L’idéalisme c’est de la « poésie » ! La Révolte ou comment l’argent rend aveugle et ordinaire.
Pour Anouilh, auteur un peu oublié et totalement désespéré, l’amour n’existe pas car il est forcément piétiné par le méchanceté, l’envie, la lâcheté des autres. La Répétition ou l’amour puni est une image inversée de Marivaux où la pureté d’un sentiment est impossible. Seul un plaisir vulgaire, l’assouvissement des désirs immédiats comptent pour ces aristocratiques argentés et décadents. Il existe des individus de moindre rang que l’on peut piétiner sans vergogne ni remords. L’argent rend arrogant.
Dans la crise des subprimes, l’individualité a disparu, il ne subsiste que l’argent et la rapacité des menteurs et des tricheurs autorisés, prisonniers volontaires comme des hamsters faisant tourner la roue dans leur cage. L’argent rend idiot. Plus d’humanité, ne restent des relations tarifées en tous genres, et pour ainsi dire inutiles, in-sensées.
Pour rendre le propos clair, un même principe scénographique, dépouillé, reliera ces différentes pièces. Il s’agit de mettre en avant la portée de ces textes classiques, les acteurs incarnant les enjeux ; ainsi la modernité ira de soi sans un recours artificiel à une relecture soumise à l’air du temps. Les poètes parlent.

Salomé Broussky

 

 

Consultez la page du spectacle La révolte

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