Les clés du spectacle

Conçu autour du spectacle Ma vie de ténor, cette présentation permet une approche sensible de la personnalité d’Hector Berlioz. Les clés du spectacle permettent d’appréhender l’oeuvre et la lecture proposée par le metteur en scène.

1/ Hector BERLIOZ
Hector Berlioz, compositeur, chef d’orchestre, critique musical et homme de lettres français est né le 11 décembre 1803 à La Côte-Saint-André (France) et mort le 8 mars 1869 à Paris.
Âme honnête, simple et virile, esprit hautain, convaincu, ne transigeant sous aucun prétexte, l’existence n’aura guère été pour lui qu’une suite de combats pour l’idée, où, si la victoire se fit toujours rudement payer cher, la défaite au moins ne fut jamais sans gloire. C’était un réformateur, le vrai musicien d’une période critique comme la nôtre. Tout ce qu’on peut savoir, il le savait, et cela non-seulement dans les questions particulières à son art. Il fut, après Weber et avant Richard Wagner, une de ces plumes militantes. Il avait quelque chose à dire, la haine de la vulgarité le passionnait à l’égal de l’amour du beau. Les ennemis ne lui déplaisaient pas : il savait haïr, mais surtout admirer. Gluck, Beethoven, étaient ses dieux ; sur Mozart, il montrait des réserves, et ne s’agenouillait que devant la Flûte enchantée ; ensuite venaient Weber et Spontini. Sur le tard, le Théâtre-Italien l’avait conquis, seulement lorsqu’il eut cessé d’être journaliste ; il le fréquentait en amateur, en désoeuvré, tout heureux de se montrer bon prince, de se laisser amuser, charmer et ravir même, — ces natures-là ne font rien qu’à l’excès, — par des choses que sa critique eût réprouvées, et goûtant je ne sais quel voluptueux raffinement à ce dilettantisme clandestin. Il connaissait comme pas un Virgile et Shakespeare surtout.
Au fil de ses chroniques et articles, Berlioz ne fait que répéter que la musique italienne, dont Rossini est l’aboutissement le plus accompli, est la cause des facilités, des perversions et des dégénérescences qui rendent impossible sinon le chant, du moins la musique. Le premier reproche, le plus récurent, est celui du laxisme des compositeurs qui se mettent au service d’interprètes incapables, et insultent ainsi à la vérité de l’Art. Le chant tel qu’il est pratiqué, c’est-à-dire avec ses trucages et ses malhonnêtetés musicales, est une imposture.
Une relation assez perverse semble s’être développée tout au long de sa vie entre Berlioz et son gagne-pain de chroniqueur, prétexte à déverser sa bile indignée et à régler ses comptes, qui laisse penser que l’exutoire dût souvent être aussi un doux défouloir. Car les prétextes de violence verbale ne manquent pas à Berlioz : tout l’agace, et, à Paris tout n’est possible en matière d’interprétation musicale scrupuleuse – pour ne même pas parler de création. Les chefs d’orchestre sont incompétents, les directeurs de théâtre sont tous faibles ou véreux, les compositeurs à succès sont des chiens savants, les partitions ne sont jamais fiables, les instruments sont de mauvaises facture, les interprètes sont prétentieux et ignares, quand le public ne veut jamais que des flatteries à sa paresse. Parmi toutes ces cibles qui vont alimenter la verve réellement malveillante de Berlioz pendant plus de quarante ans (de 1823 à 1863), il en est une plus particulièrement récurrente et plus particulièrement malmenée, c’est celle du mauvais chanteur.

2/ Berlioz et le théâtre
Si la musique peut raconter, faire exister des corps et des voix sans aucun support scénique, édifier d’autres mondes au sein du dispositif théâtral, alors il devient possible d’interroger par son biais le fondement même de la représentation. Représenter l’irreprésentable, rendre présent l’absent, faire surgir l’invisible au cœur de la matière scénique sont autant de problématiques que Berlioz a cherché à résoudre, oeuvre après oeuvre, réinventant les formes selon les sujets, interrogeant chaque fois nouvellement le rapport entre monde réel, image matérielle et imaginaire. C’est donc bien la question de la mimesis, et si Berlioz se révèle novateur c’est qu’il a injecté au cœur du couple « monde réel / monde fictif (ou mimétique) » un troisième monde, immatériel, modelé par la musique : celui de l’intériorité et de l’émotion.
Berlioz affirme l’idée que la musique est capable de raconter toute seule. Sa réflexion va cependant plus loin que celle de ses prédécesseurs, puisque la musique instrumentale n’est pas seulement, pour lui, imitative ; elle n’agit pas uniquement comme décor sonore mais se fait l’expression de l’intime, de l’émotion. Tout le projet berliozien consiste donc à imaginer des dispositifs scéniques de manière à faire coexister deux types de narration, l’une portée par la musique, l’autre par l’action scénique. Soucieux d’intégrer la musique instrumentale au cœur de la représentation scénique et de lui accorder une fonction dramatique propre, Berlioz multiplie les expérimentations.
Il redistribue le rapport entre parole, musique, personnage et décor. Le théâtre rêvé par Berlioz se fait le lieu où s’opère la confrontation entre récit et métaphore et où la mise en intrigue s’effectue par l’entrelacement de narrations différentes. Il est incontestablement une réponse aux problématiques qui ont surgi autour des années 1830-1850 sur le rapport de l’image et de l’imaginaire au théâtre.

3/ Le Ut de poitrine : Ut le plus aigu que peut atteindre un ténor en voix de poitrine
En 1836, le français Gilbert Louis Duprez (1806-1896) opère une véritable révolution en lançant à pleine voix de poitrine son contre-ut. Le public est abasourdi et réclame toujours plus : en 1958, l’italien Enrico Tanberlick relève le défi et ose un ut dièse. Tout ceci peut paraître anecdotique, c’est pourtant là un tournant dans l’Histoire du goût : désormais, l’opéra privilégie le volume, les décibels et la recherche systématique d’un effet lié à l’épaisseur du son, quand on travaillait naguère à plutôt l’alléger.
Le Berlioz de la maturité, celui de la Monarchie de Juillet et du Second Empire, est devenu allergique au chant spinto di forza dont les points d’orgue des ténors à la voix de sentor sont le symbole antimusical entre tous. Il persiste à croire à la supériorité de la composition sur la simple performance athlétique. Berlioz salue l’excellence d’un interprète en soulignant ses qualités, mais ces ténors s’appellent Rubini ou Nourrit, ou, plus tard, Michot. Les effets d’ornementation du bel canto italien font place aux effets de la projection sensationnelle. Le chant doit être au service de la vérité dramatique. Le timbre de la voix devient avec Berlioz et les compositeurs de sa génération un élément qui regarde du côté du réalisme romantique. Les emplois sont codés selon une grille sexuelle et sociale : les voix aiguës (ténor, soprano), plus claires, seront la marque de la jeunesse et de l’innocence ; les voix graves (baryton, mezzo), plus sombres, seront réservées aux personnages dangereux, inquiétants, âgés. Berlioz s’inscrit dans l’évolution de son temps, qui fait de l’opéra, comme de la littérature ou comme de la peinture, une poétique en devenir à la recherche de son style.

4/ LE RIRE DÉDRAMATISE LA SOUFFRANCE ET LIBÈRE L’HOMME
Le rire libérateur, désamorce l’angoisse

L’efficacité du registre comique vient de ce que le rire introduit une distance et atténue apparemment la critique. En amplifiant les défauts de Berlioz, en les caricaturant, il provoque un rire qui « purifie » le spectateur. Faire rire, c’est aussi dédramatiser : le rire est libérateur, allège l’angoisse. Au xxe siècle, le théâtre de l’absurde met en scène le tragique de la condition humaine dans des pièces à l’humour grinçant.
Jouer sur le décalage entre le ton (fantaisiste) et le contenu (sujets tragiques), permet de dévoiler l’absurdité du personnage. Vivant et incarné, le personnage crée l’illusion : les jeux de scène (gestes, mimiques, chutes…), le rythme du spectacle, le grossissement qu’il implique, sont autant de supports pour le comique et de vecteurs du rire. Ma vie de ténor est un divertissement collectif : les réactions collectives sont plus intenses que celles d’un individu isolé et surtout elles sont plus contagieuses. De là l’efficacité du comique emporte le spectateur qui accepte de rire des sujets les plus sérieux.

5/ Les références liées
– La place de l’artiste dans la société et la possibilité de créer un chef-d’oeuvre idéal
– De l’apparence à la vérité ou, de la forme et du contenu, littérature et musique
– Les contextes de la répétition et de l’incompréhension, vers le tragique par le comique
– La situation d’exception qu’occupe l’artiste dans la société
– L’exaltation, de l’extraversion
– Du fragment à l’entier
– Entre l’extravagant et le misérable

 

Consultez la page du spectacle Ma vie de ténor

Compositeurs

– Beethoven
Berlioz se voit rapidement l’un des principaux défenseurs de Beethoven en France, par opposition à la vieille école qui maintient son hostilité envers la musique nouvelle. Tard venu à Beethoven, Berlioz n’en saisit pas moins très rapidement la portée de ce qu’il entend. On peut mesurer l’étendue du choc de Beethoven sur Berlioz à travers la correspondance du compositeur: les mentions de Beethoven se multiplient rapidement et sont particulièrement fréquentes en 1829 et 1830. D’emblée l’envergure de Beethoven s’impose à lui: ‘immense’, ‘colossal’, ‘sublime’, ‘un géant’, ‘un Titan’, tels sont les termes qui à partir de ce moment reviennent constamment sous sa plume; les oeuvres de Beethoven seront toujours pour lui des ‘merveilles’. Les grands adagios de Beethoven l’émeuvent particulièrement, et lui font évoquer l’image d’un aigle qui plane majestueusement dans les hauteurs. Dans une lettre à son père il écrit ‘ce n’est plus de la musique, mais un art nouveau’ (CG no. 107; 20 décembre 1828 [retraduction d’un original perdu]).

Fidèle à sa méthode, il entreprend l’étude des partitions de Beethoven: à la longue Berlioz a dû connaître toutes les oeuvres publiées de Beethoven.

– Gluck
Pour Berlioz, Gluck est plus qu’une admiration: il est une mission. Berlioz se fait apôtre de Gluck, tâche qu’il juge nécessaire pour bien des raisons. Bien que Gluck appartienne à une génération antérieure, Berlioz le revendique parmi les compositeurs romantiques, le premier à avoir libéré la musique des entraves de la routine:
« Il innova presque dans tout; néanmoins en innovant il ne fit que suivre l’impulsion irrésistible de son génie dramatique. Je ne crois pas que son but direct fut l’agrandissement de l’art; doué d’un sentiment d’expression extraordinaire, d’une rare connaissance du coeur human, il s’occupa exclusivement de donner aux passions un langage vrai, profond et énergique, en employant toutes les ressources musicales dans cette unique direction. Quand les règles ne contrarièrent point son inspiration il les suivit, il s’en affranchit quand elles le gênèrent. Son harmonie seule est restée bornée, il ne connut qu’un assez petit nombre d’accords, qu’il employait souvent de la même manière. Il introduisit au contraire un grand nombre de rythmes nouveaux, adoptés ensuite par Mozart. Plusieurs d’entre eux ont passé dans les compositions modernes, sans que les musiciens de nos jours aient pu les éviter. Ils obéissent encore au despotisme que ce sombre et puissant génie exerça sur tous les genres de musique expressive. Le premier il fit de cet art une véritable poésie; et s’il n’avait pas tout sacrifié à son système, s’il avait eu plus de variété, on pourrait regarder Gluck comme le Shakespeare de la musique. »
Gluck, c’est, comme il le dit, le “Jupiter de [son] Olympe”. Dans trois articles d’octobre 1835 (dont deux consacrés à son Alceste), il reprend les thèmes chers à Gluck et que ce dernier avait théorisés dans la préface d’Alceste : mettre la musique au service de la poésie, de l’action, des sentiments. Mais Berlioz n’est pas idolâtre : Gluck, trop soucieux de la qualité de l’expression avait parfois pu en oublier la mélodie, notamment lors des récitatifs, que Berlioz trouve trop languissants. Gluck prétendait qu’une ouverture devait montrer aux spectateurs le sujet abordé, ce que Berlioz conteste : l’ouverture peut montrer des atmosphères, des ambiances, des sentiments, mais elle ne saurait les expliquer. C’est toujours l’action et donc le chant, qui le permettra le mieux. Mais ce ne sont là que des remarques secondaires. Pour tout le reste et donc pour l’essentiel, Gluck surpasse tous les autres.

– Donizetti
Gaetano Donizetti, c’est plus de 70 opéras composés et l’apogée du Bel Canto- cette technique caractéristique du romantisme à l’italienne, qui met en valeur le chant par le biais de grands airs ou d’impressionnantes vocalises. « Donizetti a l’air de nous traiter en pays conquis, c’est une véritable guerre d’invasion ». Charmant accueil que celui d’Hector Berlioz, qui témoigne (à sa façon) de la popularité de l’opéra italien à Paris, en ce milieu de XIXe siècle.

– Rossini
Nombreux sont les témoignages dans les oeuvres de Berlioz sur sa détestation de Rossini et de l’opéra italien en général, sur sa hargne contre l’homme et son esthétique, à quelques exceptions près, lorsque, chroniqueur musical, Berlioz journaliste eut à rendre compte de représentations d’opéras rossiniens, Guillaume Tell, en particulier qu’il analyse de manière magistrale (1834) ou plus tard dans ses Grotesques de la musique (1859) et dans A travers chants (1862). Il n’en va pas de même pour Rossini et l’on ne dispose d’aucun témoignage ; seule a circulé la rumeur selon laquelle Rossini aurait dit de Berlioz : « Il est heureux que ce jeune homme ne sache pas la musique : il en écrirait de bien mauvaise ».

– Bizet
Il a à peine 25 ans quand en 1863, Léon Carvalho lui commande Les pêcheurs de perles, sur un livret de Carré et Cormon, pour le Théâtre-Lyrique. Berlioz dit avoir apprécié « un nombre considérable de beaux morceaux expressifs pleins de feux et d’un riche coloris ». Il en donne une critique très favorable dans le Journal des débats du 8 octobre 1863. Cette oeuvre est donc un succès encourageant pour le jeune compositeur et connaîtra dix-huit représentations.

 

Bibliographie
– « Les Mémoires » d’Hector Berlioz ou l’écriture musicienne
– Horace
– de La Fontaine
– Racine
– Virgile
– William Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien
– Béatrice et Bénédict, opéra-comique en deux actes
– Berlioz et le théâtre de son temps : une nouvelle forme d’expression lyrique ? Alban Ramaut
– Bel ou mal canto. Le chant romantique selon Hector Berlioz, Eric Bordas

Personnages et littérature
– Eugène de Rastignac – La Peau de chagrin de Balzac
– Lucien de Rubempré – La Comédie humaine d’Honoré de Balzac
– Julien Sorel – le rouge et le noir de Stendhal
– Frédéric Moreau – L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert

 

Œuvres littéraires de Berlioz

Les Soirées de l’Orchestre (1852) (texte intégral)
Les Grotesques de la Musique (1859) (texte intégral)
À Travers Chants (1862) (texte intégral)
Mémoires de Berlioz (1870) (texte intégral)

 

Et aussi …

Berlioz: Voyage en Russie (1847) – Magasin des Demoiselles, XII, 1855-1856 (texte intégral)
Traité d’instrumentation et d’orchestration (Extraits)
Le Chef d’orchestre – théorie de son art (texte intégral)
Berlioz: Rapport sur l’exposition de 1851 à Londres
Berlioz: oeuvres littéraires et musicales (présentation en anglais)

Bibliographie des Soirées de l’Orchestre (présentation en anglais)
Bibliographie des Grotesques de la Musique (présentation en anglais)
Bibliographie de À Travers Chants (présentation en anglais)
Bibliographie des Mémoires (présentation en anglais)
Berlioz: Feuilletons – Extraits de la correspondance du compositeur
Berlioz: Feuilletons – Notices dans le Journal des Débats
Lettres du compositeur au Musée Hector-Berlioz
Lettres autographes de Berlioz
16 juin 1832
31 juillet 1852
Vers le 13 mai 1853
3 décembre 1853
17 mai 1854
12 mai 1865

 

Consultez la page du spectacle Ma vie de ténor

 

Follow
...

This is a unique website which will require a more modern browser to work!

Please upgrade today!