Polluants du quotidien

C’est officiel, «tous les Français» sont contaminés aux bisphénols, phtalates ou parabènes

Par Coralie Schaub — 3 septembre 2019 à 19:25

Une étude publiée mardi par Santé Publique France indique que les adultes, mais surtout les enfants, sont imprégnés de six familles de «polluants du quotidien» présents dans les produits ménagers, cosmétiques ou emballages alimentaires.

 

Nous sommes tous imprégnés de ces «polluants du quotidien» que sont les bisphénols (A, F et S), phtalates, parabènes, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés et composés perfluorés, dont certains sont des perturbateurs endocriniens (susceptibles de modifier le système hormonal et d’être à l’origine de diverses maladies) et/ou des cancérigènes, avérés ou suspectés. C’est la conclusion sans appel d’une étude inédite menée par Santé Publique France et publiée mardi.

«L’ensemble des adultes et des enfants»
Pour la première fois, grâce notamment à des prélèvements biologiques (urines, sérum et cheveux), l’agence nationale a mesuré la présence de ces polluants dans l’organisme, auprès d’un large échantillon représentatif de la population composé de 1 104 enfants et 2 503 adultes. Ils sont présents dans le corps de «tous les Français», soit «de l’ensemble des adultes et des enfants», à des niveaux comparables à ceux d’autres études menées à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et au Canada (à l’exception des retardateurs de flamme bromés, des bisphénols S et F et des parabènes, pour lesquels les niveaux sont inférieurs en France).

Mais les plus imprégnés sont les enfants. Pour l’expliquer, Santé Publique France émet plusieurs hypothèses. Parmi elles, «des contacts cutanés et de type « main bouche » plus fréquents pour des produits du quotidien (jouets, peintures…), des expositions plus importantes liées par exemple à une exposition accrue aux poussières domestiques ou à un poids corporel plus faible par rapport à leurs apports alimentaires, comparativement aux adultes».

Aérer le logement
L’établissement public a cherché à identifier les sources d’exposition à ces polluants. Il observe qu’elles sont «différentes selon les substances» et que «l’alimentation n’apparaît pas comme une source d’exposition exclusive». Utiliser des produits cosmétiques et de soins pour le corps ou des produits ménagers «augmente les niveaux d’imprégnation des parabènes et des éthers de glycol». Alors que les effets sur la santé des expositions à de faibles concentrations en parabènes «ne sont pas connus», admet l’étude, les éthers, eux, «sont suspectés d’entraîner des effets toxiques sur la reproduction et le développement chez l’homme (diminution de la fertilité masculine, augmentation du risque d’avortements spontanés, malformations fœtales) et une hémato-toxicité».

Par ailleurs, la fréquence de l’aération du logement «a une influence sur les niveaux d’imprégnation des perfluorés et des retardateurs de flamme bromés : plus le logement est aéré, plus les niveaux d’imprégnation sont bas». L’imprégnation par les bisphénols S et F, utilisés comme alternatives au bisphénol A (interdit en France dans tous les contenants alimentaires depuis 2015) pour fabriquer équipements électroniques, emballages alimentaires, papiers thermiques, peintures ou vernis, mais suspectés de jouer comme ce dernier un rôle de perturbateur endocrinien, augmentait chez les enfants «avec l’achat de poissons pré-emballés et le fait d’aérer moins régulièrement son logement».

«Limiter l’exposition aux substances chimiques»
L’étude de Santé Publique France doit être complétée ultérieurement par deux autres volets portant sur l’exposition aux métaux et aux pesticides. Mais ces premiers résultats «confortent la nécessité de continuer à agir pour limiter l’exposition aux substances chimiques», affirme un communiqué de presse conjoint des ministres de l’Ecologie, Elisabeth Borne, et de la Santé, Agnès Buzyn. Ces dernières présentaient mardi la deuxième «stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens» (SNPE). Celle-ci vise à «réduire l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens et la contamination de l’environnement par des actions de recherche et d’expertise, d’information du public, de formation des professionnels et un meilleur encadrement réglementaire».

Concrètement, «dès 2020», une liste de perturbateurs endocriniens «sera publiée et partagée avec nos partenaires européens», promet le gouvernement. La France demandera aussi à la Commission européenne de «réviser les règlements qui s’appliquent aux objets du quotidien, notamment aux cosmétiques et aux jouets, afin de prendre en compte les perturbateurs endocriniens». Parce que les femmes enceintes et les enfants sont des populations particulièrement vulnérables, Santé Publique France lance dès mardi le site internet «Agir pour bébé», donnant des conseils pratiques pour limiter leur exposition aux produits chimiques, dont les perturbateurs endocriniens. Les professionnels de santé et de la petite enfance, ou encore les agents des collectivités territoriales, seront, eux, «formés aux bonnes pratiques pour limiter l’exposition aux perturbateurs».

«Il faut que les ambitions de la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens et du nouveau plan national santé environnement soient revues à la hausse pour faire de la disparition rapide des substances pointées par ces rapports de Santé Publique France de notre environnement une priorité de santé publique absolue, réagit l’ONG Générations futures. Qui demande la «mise en œuvre d’un plan d’urgence pour protéger les populations de ces polluants dangereux». Le Réseau Environnement Santé (RES) estime, lui, que les 50 actions prévues par la SNPE «sont dans l’ensemble pertinentes». Mais il regrette que leur financement ne soit «toujours pas précisé» et demande une enveloppe équivalente à celle «du plan cancer (1,5 milliard sur cinq ans)».

L’association souligne que «le risque sanitaire lié aux perturbateurs endocriniens est clairement établi», grâce à des «milliers d’études expérimentales ainsi que de nombreuses études chez l’humain». Ils sont par exemple «la cause majeure de la baisse de la qualité du sperme. A Paris, en cinquante ans, l’homme de 30 ans a perdu deux spermatozoïdes sur trois». D’autres études récentes «montrent un lien entre contamination maternelle pendant la grossesse et hyperactivité, obésité, asthme, trouble du langage chez l’enfant plusieurs années plus tard».

 

Coralie Schaub (Libération)

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