Médiapart: Laurent Cazanave embrasse le théâtre avec la langue

Scène de "tous les enfants veulent faire comme les grands" © Jean-Louis Fernandez
Scène de « tous les enfants veulent faire comme les grands » © Jean-Louis Fernandez

On a beau ne plus être enfant depuis longtemps, quand on ouvre un livre « pour enfants » qui déploie en relief un paysage de papier (château hanté, forêt mystérieuse), on tombe sous le charme et on retombe en enfance. C’est une forêt de papiers découpés en forme d’arbres blancs ciselés qui occupe la scène avec en son centre une souche où vont s’asseoir les deux amoureux comme sur un dessin de Peynet et on tombe sous le charme de ce décor . On y voit bientôt deux adultes jouer à cache-cache entre les arbres de papier dressés sur l’étroite scène, et non deux acteurs adultes imitant tant bien que mal des enfants. Ce travail de glissement fait le charme de la pièce de Laurent Cazanave Tous les enfants veulent faire comme les grands.

On aurait aimé écrire que c’est la première pièce de cet acteur qui nous a emporté loin dans les spectacles de Claude Régy en particulier avec des textes de de Terjei Vessas, écrivain qui est pour lui un modèle. On aurait aimé écrire qu’il est on ne peut plus charmant qu’une première pièce ait pour sujet le premier baiser. Sauf que non. Ce n’est par la première pièce de cet acteur sorti de l’école du Théâtre National de Bretagne en 2009 et les deux amoureux  qui prennent place sur la souche ne sont pas des pré-ados au cœur battant s’apprêtant à connaître pour la première fois les délices et les affres du premier baiser.

Elle, plus âgée que Lui, apparaît, à tout le moins plus expérimentée et décontractée.  « Des rencontres j’en ai faites. Beaucoup. Trop, certains diront. Des hommes sont venus me voir. Des femmes aussi. J’ai déjà embrassé tu sais. J’ai déjà fait l’amour » lui dit-elle. Lui, plus jeune, plus gauche, plus craintif (« Tu es beau. Tu as le regard de ces petits garçons qui ont peur du noir » dit-elle) prétend avoir déjà embrassé quinze filles. Elle lui demande s’il va lui faire l’amour. « Dans un premier temps nous baiserons comme des bêtes. Comme des bêtes. Juste physiquement. Juste le plaisir d’un autre corps collé contre son propre corps. » dit-il , un rien vantard, ayant fantasmé des films et peut-être encore vierge, on ne sait, on se saura pas. L’amour viendra après« petit à petit ». C’est assez mignon, un peu trognon.

Ils sont là face à face, ils s’effleurent avec leurs mains, se touchent mutuellement le front comme le font certains animaux, retardent, autant que possible, le moment où leurs lèvres se toucheront et se mêleront, attendant que le désir, nourri de leurs mots n’en finissant pas de danser l’approche, n’en puisse plus.

Pour écrire sa pièce Laurent Cazanave dit s’être inspiré de deux textes :Le camion de Marguerite Duras et Les beaux jours d’Aranjuez, un dialogue d’été  de Peter Handke. Deux balises qui éclairent le chemin de son écriture encore en devenir.

Le metteur en scène qu’il est a su s’entourer d’acteurs complices : Flora Diguet (Elle) et Nathan Bernat (Lui) sortis de l’école du TNB respectivement en 2006 et 2013, et les deux joueurs de cache cache, accessoirement musiciens, Hector Manuel lui aussi sortis de l’école du TNB (en 2015) et Michaël Pothlichet qui, comme Laurent Cazanave, est passé par la troupe des Enfants de la Comédie de Karin Catala.

Théâtre des Déchargeurs, 19h30, du mar au sam , jusqu’au 18 octobre.

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