Slawomir Mrozek, écrivain et dessinateur

En 2012, l’écrivain et dessinateur Slawomir Mrozek  a fait paraître un bel et étrange ouvrage intitulé « Mon cahier de français ». Avec le mot « français » biffé pour « dessin » (Editions Noir sur Blanc). Un livre qui mêle dessins et textes, comme un salut à une culture qu’il avait aimée et qui l’avait aidé à panser les blessures de l’exil. C’est en composant ce petit cahier de dessins et de mots français qu’il avait, dans sa jeunesse, appris notre langue.

Né le 29 juin 1930 à Borzecin, près de Cracovie, il avait commencé par donner des dessins satiriques dans quelques journaux d’opposition dès l’âge de vingt ans. Il avait entrepris une série d’études, qu’il n’avait jamais menées à bien, dans différentes disciplines, Beaux Arts, Littérature, Langues Orientales. Il n’était en rien un dilettante frivole. Mais à cette époque, dans ce pays, c’est le seul moyen d‘échapper à l’armée et à l’idéologie soviétique.

Le jeune Mrozek écrit des nouvelles. Fables absurdes et caustiques qui sont déjà toute sa manière, féroce et blagueuse. Il fut un temps, en Pologne où l’on disait : « C’est du Mrozek », comme nous disons : « C’est du Kafka ». Et cela, c’est le théâtre qui le lui apporte.

Très vite, en effet, il comprit ce que le théâtre pouvait lui permettre. Le théâtre comme espace de résistance dans toute l’Europe de l’Est, le théâtre comme l’une des voies les plus susceptibles d’exercer son esprit critique, son désir de liberté, son courage face aux pesanteurs politiques de son pays.

(Suite de l’article – Slawomir Mrozek, une seule arme l’ironie)

Armelle Héliot

 

 

Sławomir Mrożek se souvient : C’était en 1955 et j’avais vingt-cinq ans. J’habitais Cracovie et j’allais prendre mes cours de français chez Madame Rzewuska, qui était très belle et avait les cheveux blancs. Elle parlait le français aussi bien que le polonais, mais cela n’était d’aucune utilité pour nos leçons, car au lieu de m’abreuver de grammaire et de syntaxe, elle me racontait mille anecdotes du temps jadis que j’écoutais avec le plus grand plaisir. Plus tard, c’est au 22, rue Krupnicza, que je me rendis chaque semaine pour remplir de dessins les sept mètres carrés du petit cahier que voici.

Et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ces pages : nulle trace de conjugaisons ou de règles d’accords… mais plus de 1500 dessins pour illustrer autant de mots français. Des mots ordinaires, parfois triviaux, parfois archaïques, des mots qui vous laissent perplexes et qui, vérification faite, sont absents de nos dictionnaires, des mots pour le corps, les choses ou les sentiments. Davantage qu’il apprenait le français, Mrożek se faisait ainsi la main, il aiguisait son sens du raccourci comique, cet art de la synthèse modeste et géniale qui allait faire de lui l’un des plus grands satiristes de son pays.

 

 

 

 

Consultez la page du spectacle Les émigrés

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